Analgésiques vendus sur ordonnance, marihuana, cocaïne… Les experts en reconnaissance de drogues (ERD) sont formés pour repérer et traduire en justice les conducteurs aux facultés affaiblies par une drogue ou un médicament. Le cap. David Botham, ERD à la GRC depuis 2010, a appris à plus de 200 policiers comment reconnaître les signes de ce genre de consommation. Il s'est entretenu sur le sujet avec Amelia Thatcher.
Comment faites-vous pour voir si quelqu'un a les facultés affaiblies?
À peu près tout le monde sait que l'alcool vous ralentit et vous désinhibe. Quant aux drogues, elles produisent toutes un certain effet psychique, mais leur façon d'agir sur le corps diffère selon la substance. Le programme des ERD porte sur sept catégories de drogues, donc chacune a ses caractéristiques propres. Par exemple, l'effet sur la tension artérielle, le pouls et la taille des pupilles peut varier en fonction de la drogue. L'alcool tombe dans la catégorie des dépresseurs du système nerveux central, mais il est traité à part des drogues.
Quels signes recherchez-vous?
Nous suivons les normes de l'Association internationale des chefs de police pour l'évaluation de la présence de drogues en
12 étapes systématiques. Lors de cette évaluation, nous faisons beaucoup de tests liés aux yeux, car ce sont eux qui nous donnent le plus d'indices. Nous nous assurons d'abord que les deux pupilles sont de la même taille, à défaut de quoi il peut y avoir urgence médicale. Nous vérifions ensuite la capacité du sujet à suivre un objet du regard. Sous l'effet de l'alcool, les mouvements oculaires horizontaux sont saccadés plutôt que fluides. L'incapacité à croiser les yeux est un autre effet possible de certaines drogues.
Nous faisons aussi des tests d'attention divisée qui comprennent l'épreuve « mar-cher et se retourner », l'épreuve d'équilibre sur un pied, l'épreuve de Romberg modifiée et l'épreuve doigt-nez. Pris ensemble, ces tests révèlent l'affaiblissement des facultés. Si le sujet ne parvient pas à bien suivre les instructions qui lui sont données, il ne devrait probablement pas conduire.
Nous prenons également le pouls et la tension artérielle du sujet, qui peuvent nous donner de bons indices quant à la catégorie de substance consommée. Nous regardons ensuite son corps et vérifions son tonus musculaire. Certaines drogues produisent un drôle d'effet sur les muscles. Les analgésiques narcotiques les rendent très flasques, un peu comme un sac de lait, tandis que les stimulants leur donnent une grande rigidité. Nous cherchons aussi les traces d'injection.
Nous interrogeons alors le sujet pour voir s'il s'expliquera. Il n'est pas obligé de nous parler, mais dans bien des cas, il nous dira franchement ce qu'il a pris.
Si, à la fin de l'évaluation, nous croyons qu'il a les facultés affaiblies, nous lui demandons de fournir un échantillon de liquide corporel (urine, sang, etc.) pour analyse.
Quel type de drogue est le plus souvent en cause dans ce genre de situation?
À l'échelle du pays, c'est probablement le cannabis — du moins ce l'est certainement en Nouvelle-Écosse. Viennent ensuite les stimulants [cocaïne, méthamphétamine] et les analgésiques narcotiques. Nous voyons à peu près de tout, mais les tendances varient selon la région. Dans les secteurs ruraux de Terre-Neuve, la consommation d'opiacés est étonnamment répandue, tandis qu'à Halifax, les gens prennent davantage des stimulants comme la cocaïne.
Où la consommation de drogues pose-t-elle le plus de problèmes?
Autant dans les secteurs urbains qu'en milieu rural. J'en suis maintenant à ma quatrième division [province] et j'ai appris que les drogues et l'alcool sont présents partout. Les médicaments sont un immense problème aussi. Une personne peut, à son insu, avoir les facultés affaiblies par le médicament que son médecin lui a prescrit et s'exposer ainsi à des accusations.
Quel conseil donneriez-vous aux autres policiers?
Portez attention à ce qui sort de l'ordinaire. Un jour, en croisant un homme que je connaissais, je l'ai salué de la main, mais contrairement à son habitude, il n'a pas réagi. J'ai donc rebroussé chemin pour voir si tout allait bien et j'ai constaté qu'il était en état d'ébriété. Les drogues et l'alcool influent sur le comportement, alors si quelqu'un vous semble agir drôlement, allez voir de plus près, car vous ne pouvez pas savoir ce qui se passe avec lui.