Quand un superviseur a constaté l'influence apaisante et l'excellente écoute du serg. Donovan Tait, il l'a encouragé à devenir négociateur en situation de crise. Dix ans plus tard, le serg. Tait, maintenant affecté à Nanaimo (C.-B.) et passé maître dans ce rôle, compte à son actif près de 100 interventions liées à des incidents critiques. Amelia Thatcher s'est entretenue avec lui.
En quoi consiste le travail du négociateur en situation de crise?
Dans les situations les plus dangereuses et tendues, la police est censée essayer d'abord de parler au sujet. C'est alors qu'intervient un négociateur qualifié. Nous relevons du Programme des incidents critiques et travaillons sous la responsabilité du commandant des interventions, aux côtés du Groupe tactique d'intervention (GTI), dans toutes sortes de situations : des cas de personnes suicidaires, barricadées ou en état de détresse émotionnelle, des prises d'otage et des enlèvements. La plupart du temps, il s'agit de quelqu'un qui ne maîtrise plus sa situation parce qu'il a perdu son emploi, son conjoint ou la garde de ses enfants, qu'il éprouve des difficultés financières ou qu'il souffre de stress post-traumatique, par exemple.
Que faites-vous en premier?
En roulant vers le lieu d'un incident, nous tentons d'obtenir un maximum d'information. Qu'est-ce qui a provoqué la crise? Quels sont les antécédents de la personne? A-t-elle un trouble mental? Nous demandons conseil à des praticiens en santé mentale à titre de pratique exemplaire et communiquons parfois avec la famille ou les amis de la personne. Si elle est passionnée de hockey, par exemple, ce renseignement peut servir à amorcer une conversation avec elle.
Y a-t-il des étapes à suivre pour établir un rapport?
Il faut d'abord se présenter. Certaines personnes réagissent mieux à un ton autoritaire, d'autres, à une formule plus décontractée, du genre : « Salut, je m'appelle Donovan et je travaille pour la police
». C'est plus personnel et ça évite l'emploi du mot « agent
». Il faut toujours rassurer le sujet et lui dire qu'on est là pour l'aider. Il faut aussi obtenir de l'information. La personne va-t-elle bien? A-t-elle des armes? Est-elle seule? Y a-t-il des blessés? Une fois qu'on a les renseignements de base, l'idéal est de poser des questions ouvertes. Il s'agit d'établir un rapport; on ne parviendra jamais à exercer une influence sans instaurer une certaine confiance.
Quels genres de défis se posent?
Les nouvelles technologies ont changé la façon de maîtriser un incident et de garder l'attention du sujet. S'il publie quelque chose sur Facebook, les médias débarqueront et des gens essaieront de communiquer avec lui. Il faut empêcher la diffusion de vidéos en direct, couper l'accès aux comptes de médias sociaux du sujet et bloquer tous les appels à son numéro sauf les nôtres, avec l'aide des fournisseurs de services. Il s'agit de contrôler les moyens technologiques dont dispose le sujet et ses contacts avec le monde extérieur pour garder son attention sur les négociateurs.
Réussissez-vous souvent à dénouer l'impasse?
Bien des incidents se terminent sans faire de blessés parmi la population ni chez les policiers, mais c'est grâce à notre travail d'équipe avec le GTI et le commandant des interventions. Il arrive cependant que nous ne parvenions pas à faire démordre le sujet de son intention, malgré toutes nos compétences et nos efforts.
Quelle est l'habileté la plus importante du négociateur?
Sa capacité d'écoute active. S'il est le seul qui parle, il ne changera rien. Le plus important est d'écouter la personne, de bien cerner son problème, puis de formuler des réponses stratégiques pour influencer son comportement. Dans toute situation de crise, le but est de gagner du temps, parce que plus le temps passe, plus le sujet commence à voir au-delà du moment présent.
Pourquoi continuez-vous à exercer cette fonction?
J'adore le travail d'équipe, les défis et le fait d'aider les gens. Dans la plupart des cas, le sujet est une bonne personne qui file un mauvais coton ou qui a reçu un coup dur. Il est dépassé par les événements, il y réagit mal et il a besoin d'aide pour se recentrer. Si l'on peut lui faire traverser la crise sans qu'il se fasse du mal, qu'il s'en prenne à quelqu'un d'autre ou qu'il commette l'irréparable, c'est merveilleux. Il est très gratifiant d'entendre quelqu'un dire : « Avant que vous arriviez, j'avais l'intention de m'enlever la vie.
» Le mérite revient alors à toute l'équipe.