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À leur arrivée à l'École de la GRC, les cadets savent qu'ils se sont engagés pour servir et protéger les Canadiens. Mais une fois assermentés, ils se rendent compte que certaines interventions sont plus exigeantes que d'autres, en particulier auprès de gens en détresse psychologique.
« Nous sommes entrés à la GRC pour venir en aide aux gens dans la mesure de nos moyens. Et lorsque c'est impossible, c'est très frustrant
», explique le gend. Patrick McPhee, affecté à Grande Prairie (Alb.).
Le gend. McPhee, membre depuis neuf ans, évoque la difficulté comme agent aux services généraux d'intervenir auprès d'une personne manifestement en crise; on ne sent pas toujours qu'on a tout ce qu'il faut pour gérer la situation.
Intervenir auprès d'une personne en détresse psychologique pose certains défis, car le policier ne connaît pas toujours l'état de la personne et celle-ci peut ne pas être disposée à recevoir des ordres d'un agent.
Selon l'Association canadienne pour la santé mentale, le passage des soins en établissement vers les soins communautaires fait que plus de personnes souffrant de maladie mentale se retrouvent dans la collectivité et ont des démêlés avec la police.
De la nécessité naît l'innovation
À Grande Prairie, une équipe policière d'intervention en cas de crise (EPIC), formée d'un agent et d'un infirmier psychiatrique, a été créée en 2009.
« Il s'agit d'aiguiller ces personnes, précise le gend. McPhee, qui fait partie de cette équipe. Lui-même et son coéquipier mobi-lisent les partenaires communautaires pour répondre aux besoins des clients à risque et orientent ceux qui souffrent de maladie mentale et de dépendance vers les services compétents.
»
En 2017, l'équipe a répondu à 553 appels. Selon une étude du Grande Prairie Regional College, en 2016 et en 2017, deux fois sur trois, l'équipe a résolu sur le champ la situation de crise.
Une deuxième équipe a vu le jour en 2016.
Selon le gend. McPhee, lorsqu'une personne est aiguillée vers l'infirmier psychiatrique, on peut plus facilement cerner la cause de son problème ou de son comportement criminel.
« Il y a souvent une raison sous-jacente, précise-t-il. Il faut la cerner. La personne prend peut-être des médicaments. Un ajustement à la médication pourrait amener un changement de comportement.
»
Par ailleurs, le travail de l'équipe se traduit par des économies; l'étude montre en effet que chaque dollar investi dans le programme EPIC rapporte 3,70 $ à la collectivité.
Assistance aux personnes en détresse
Les initiatives lancées par la GRC partout au pays pour mieux comprendre la maladie mentale et aider ceux qui en souffrent présentent un double avantage : aider plus rapidement les personnes dans le besoin et libérer les effectifs policiers pour qu'ils puissent se consacrer à d'autres cas.
La gend. Valerie Conroy est coordonnatrice des cas de mésadaptation sociale à Chilliwack (C.B.). En plus de la formation sur l'intervention en situation de crise de santé mentale que suivent tous les membres de la GRC, la gend. Conroy a été formée pour évaluer les personnes qui souffrent de troubles de santé mentale et les aiguiller vers les ressources compétentes.
En poste depuis près de sept ans, elle collabore avec les services de sensibilisation communautaires au Fraser Health pour évaluer les risques chez les clients et établir un plan d'intervention.
« J'essaie de repérer les personnes à risque et de cibler les ressources aptes à les soutenir, explique-t-elle. Le système de santé est fort complexe, mais les relations que j'ai établies sont très utiles et rendent mon travail plus efficace.
»
L'expérience et les connaissances acquises dans les différents secteurs du système lui ont permis de se familiariser avec les besoins de nombreux clients afin de mieux les soutenir.
Elle passe aussi en revue les dossiers que lui transmettent des membres aux services généraux qui ont cerné des cas préoccupants, notamment de personnes ayant des démêlés fréquents avec la police et pouvant présenter des éléments de maladie mentale.
« S'il n'y avait pas de coordonnateur des cas de mésadaptation sociale, les policiers risqueraient d'intervenir à répétition auprès d'une personne
», explique-t-elle.
Partenariats
À Surrey (C.B.), la gend. Kelly Thompson travaille avec le Groupe d'intervention policière en santé mentale, qui s'occupe des personnes souffrant de troubles mentaux ayant eu des démêlés avec la police et nécessitant des soins d'urgence.
« Nous traitons souvent avec des gens ayant une perception altérée de la réalité en raison de leur état mental, de la toxicomanie, ou des deux
», précise-t-elle. Le groupe collabore avec un éventail d'organisations. « Nous sommes en contact avec un réseau fiable qui peut soutenir ces personnes et leur offrir les services voulus.
»
Ainsi, le groupe participe à une initiative appelée Car 67, où un policier spécialement formé de la GRC et un infirmier psychiatrique interviennent en cas de crise, évaluent sur place l'état émotif et la santé mentale de la personne et dirigent celle-ci vers les services compétents.
En 2017, l'équipe a effectué 652 évaluations en santé mentale, 94 arrestations liées à des troubles mentaux et 822 consultations téléphoniques auprès de policiers en train d'intervenir auprès de personnes en détresse.
Cette année, l'équipe Car 67 a jusqu'ici effectué 431 évaluations en santé mentale.
« L'équipe traite avec des clients à risque et répond à un volume élevé d'appels
», dit la gend. Thompson, qui ajoute que ce travail est très satisfaisant, mais comporte sa part de risque.
« La plupart ont des antécédents de violence, surtout en présence de policiers, et portent une arme pour se protéger. Je m'attendais à cela dans certains cas, mais certainement pas avec une telle fréquence.
»
La gend. Thompson dit être très vigilante au moment d'aborder un client, effectuant une fouille par palpation ou demandant systématiquement à la personne si elle porte une arme.
À Portage La Prairie (Man.), la GRC participe au modèle du carrefour : un programme de détection des risques et de prévention du crime réunissant des commissions scolaires, les services à la famille et à l'enfance, des champions de la santé mentale, des agents de probation et des représentants du ministère provincial du logement.
Les partenaires se rencontrent périodi-quement pour discuter de cas précis.
Selon le gend. Sean O'Keefe, le modèle, en place ailleurs au pays, permet de repérer les gens à risque et d'éviter qu'ils ne se retrouvent devant la justice ou dans le système de santé.
« Lorsque quelqu'un court un danger imminent, la communication d'information permet d'intervenir avant que le problème ne dégénère en situation d'urgence
», explique-t-il.
Les interventions fréquentes auprès de personnes en détresse taxent lourdement les effectifs policiers. Le modèle du carrefour permet de dépister les personnes à risque et de les aiguiller vers les services en santé mentale dont elles ont besoin.
« Avant, les agents n'avaient pas le temps de s'asseoir avec un client pour comprendre son état, souligne le gend. O'Keefe. Le modèle du carrefour aide à cerner l'état de la personne; nos premiers intervenants savent dès leur arrivée qu'elle souffre de troubles mentaux.
»