Division Dépôt de la GRC – Stratégie de réconciliation

Introduction

À l’été 2021, l’aîné et universitaire Willie Ermine a montré à tous les Canadiens un miroir qui reflétait certains des chapitres les plus sombres de notre histoire. La découverte de milliers de tombes sur les sites d’anciens pensionnats autochtones partout au Canada a prouvé hors de tout doute les récits partagés par les survivants de ces établissements : des milliers d’enfants autochtones ne sont jamais rentrés chez eux. Cette série de révélations a choqué la population et chaque nouvelle découverte dans d’autres pensionnats a évoqué un passé de plus en plus tragique et troublant. On a aussi découvert que la GRC faisait appliquer les lois du gouvernement comme la Loi sur les Indiens en plaçant les enfants autochtones de force dans ces pensionnats et y ramenant ceux qui s’enfuyaient. Même s’il est pénible d’entendre et d’accepter ces récits, c’est notre devoir de le faire. Sans ces vérités, la réconciliation est impossible.

Voici nos missions. Avec elles, nous sommes en terrain familier. Nous savons ce qu’est une mission et ce qu’il faut faire pour l’accomplir. En venant ici à l’École de la GRC, nous avons tous choisi de participer à cette mission. Nous avons besoin que chaque personne qui travaille ici, qui apprend ici et qui visite ces lieux contribue à notre mission.

Vérités

La Police à cheval du Nord-Ouest (PCN-O) a été créée le 23 mai 1873. Peu de temps après, la formation des policiers est devenue problématique. Les recrues étaient d’abord formées dans la division de leur première affectation. Les nouveaux policiers recevaient donc une formation inégale, quand ils en recevaient une, car les sous-officiers des divisions manquant d’effectifs avaient rarement le temps d’ajouter la formation des recrues à leurs fonctions courantes. Pour régler ce problème, la Division Dépôt a été créée et est devenue le centre de formation de la PCN-O, puis de la RGCN-O et finalement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Comme l’expliquent Sheehan et Oosten, la PCN-O/GRC avait à l’origine pour mission « de gagner le respect et la confiance des Autochtones, de maintenir la paix, de prévenir le crime, d’appréhender les criminels et d’enrayer le trafic de l’alcool dans le Nord-Ouest » (traduction libre, Sheehan et Oosten (2006), p. 11)Footnote 1. La relation entre la PCN-O et les peuples autochtones a toutefois changé après les évènements de 1885. Les policiers de la PCN-O ont activement participé aux désordres publics qui ont conduit à la dernière bataille de Batoche en 1885. Par la suite, la Division Dépôt a été officiellement créée le 1er novembre 1885 à l’extérieur de Regina. À peine 15 jours plus tard, le chef des Métis, Louis Riel, était pendu sur les terrains de la Division Dépôt. Des élèves de l’école industrielle de Regina voisine ont été obligés d’assister à la pendaison dans le cadre de leur éducation. Responsable de l’application des lois du gouvernement, la PCN-O/GRC a aussi fait appliquer des politiques comme la Loi sur les Indiens, qui avait pour but de réprimer et d’assimiler les peuples autochtones. Par conséquent, la GRC est devenue un symbole de pouvoir et de peur aux yeux d’une grande partie de la population. Ce pan d’histoire moins connu dément la vision romantique du gendarme de la GRC vêtu d’une tunique rouge qui suscite la fierté et qui a inspiré maintes légendes et productions hollywoodiennes.

Certains affirment que cette histoire n’est plus pertinente aujourd’hui parce que nous avons changé. Nos problèmes actuels et la nécessité de la réconciliation découlent directement de cette histoire. Pour accomplir notre mission, nous devons d’abord déterminer pourquoi ces relations n’ont pas fonctionné en premier lieu. Reconnaître cette histoire est la première étape essentielle de notre mission.

Entendre les appels

La population et le gouvernement entretiennent de nombreuses attentes envers la GRC et notre travail ne cesse de devenir plus complexe et exigeant depuis notre création. À la suite de la publication du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones en 1996, maintes commissions, enquêtes et analyses ont souligné que les services de police se devaient de changer. Bien que les appels lancés par la Commission de vérité et réconciliation ne visent pas expressément la GRC, plusieurs recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées sont formulées à l’intention des services de police :
« Nous demandons à tous les services de police et à tous les acteurs du système de justice de reconnaître que la relation historique et actuelle entre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones et le système de justice a été largement définie par le colonialisme, le racisme, les préjugés, la discrimination et les différences culturelles et sociétales fondamentales. Nous demandons également à tous les services de police et à tous les acteurs du système de justice de reconnaître que, à compter de maintenant, cette relation doit être fondée sur le respect et la compréhension, qu’elle doit être guidée par les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones, et établie en partenariat avec elles. » (Appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées).

La Division Dépôt a entendu ces appels. Nous accueillons aussi les autres recommandations formulées dans le Plan d’action national et par les groupes de travail des Premières Nations, des Inuit et des Métis. Bien qu’il soit impossible de les décrire en détail dans ce plan stratégique, la grande majorité des appels issus de ces commissions, rapports et plans d’action sont centrés sur la vérité, l’éducation et l’action. De plus, la mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada par l’intermédiaire du projet de loi C-15 suscite d’autres appels au changement qui exigeront notre attention.

Dans le cadre du plan La GRC en 2023 et au-delà, nous avons renouvelé notre engagement à travailler avec les communautés autochtones :

« Les liens historiques que nous entretenons avec les peuples autochtones au Canada fournissent un climat de collaboration dans lequel nous pouvons travailler à l’amélioration de la santé et du bien-être de la communauté. Nous nous engageons à continuer à miser sur ces relations en encourageant, en maintenant et en favorisant un dialogue honnête et ouvert avec les partenaires autochtones. » (La GRC en 2023 et au-delà).

Les services de police autochtones sont l’une des cinq priorités opérationnelles stratégiques de la GRC. L’objectif principal est de contribuer à créer des communautés autochtones plus saines et plus sûres en recrutant plus de policiers autochtones, en mettant en place des services de police adaptés sur le plan culturel, en entretenant et en renforçant les partenariats avec les communautés autochtones et en préconisant des mesures de justice alternative. Tandis que les politiques publiques se transforment lentement mais sûrement au Canada, la Division Dépôt est bien placée pour contribuer à ces efforts à l’échelle locale et nationale. »

Passer à l’action

L’École de la GRC est située sur le territoire du Traité no 4. En cette époque de réconciliation, nous croyons en l’importance de reconnaître et d’honorer convenablement les nations originales du Traité no 4 de ces terres.
Nous nous trouvons sur les territoires des nêhiyawak (Cris), Anihšināpēk (Saulteaux), Dakota, Lakota, et Nakoda, et la terre natale de la Nation Métisse/Michif.

Notre mission consiste notamment à refléter cette vérité. Cela commence par l’éducation, offrande du territoire même que nous occupons et de l’histoire que nous avons apprise grâce à lui.

La reconnaissance et l’apprentissage commencent avec notre Programme de formation des cadets (PFC). Un examen complet de son contenu est en cours afin de mettre à jour les faits historiques et d’examiner les préjugés. Par ailleurs, nous souhaitons de tout coeur tirer davantage parti de l’espace unique, des cadeaux cérémoniels et des enseignements dont nous disposons pour sensibiliser employés et cadets, en plus de favoriser leur croissance, comme suit :

  • s’assurer que le Centre du patrimoine est un lieu d’apprentissage et de réflexion;
  • dresser un calendrier mensuel des évènements, activités et initiatives axés sur notre engagement envers la réconciliation;
  • organiser des festins traditionnels avec nos aînés et conseillers et encourager tout le monde à y participer;
  • organiser des conférences données par des membres autochtones retraités et des membres de la communauté qui ont des liens avec les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones disparues et assassinées.

Cette initiative renforcera nos liens avec nos communautés et les leçons qu’elles peuvent nous apprendre.

Pour répondre aux appels à l’inclusion et à l’établissement d’une nouvelle relation avec tous les peuples autochtones, nous intégrons la reconnaissance des droits territoriaux à tous les espaces physiques et virtuels de la Division Dépôt. Grâce à ces actions, nous n’oublierons jamais que nous devons partager le territoire et collaborer avec les premiers peuples du Canada dans tout ce que nous faisons. Sous l’égide des aînés et de nos conseillers autochtones, nous continuons de renouveler et d’entretenir nos espaces cérémoniels autochtones tant à l’intérieur de nos édifices que sur nos terrains tout en nous assurant que les protocoles appropriés soient toujours respectés. De plus, nous collaborerons avec des universitaires autochtones pour aider notre haute direction à mieux évaluer la façon dont nous gérons le changement dans notre organisation de par des ateliers sur la gestion du changement culturel.

Chacune de ces initiatives vise à assurer que nous faisons place à l’interaction, à la réflexion et à l’apprentissage culturels dans tous les espaces destinés à nos membres.

Nous redoublerons d’efforts pour recruter plus de personnes autochtones à la grandeur du pays au sein du Programme de formation des précadets autochtones et du Programme de formation pratique pour les cadets promus. Il s’agit d’un élément essentiel qui servira à diversifier davantage nos effectifs partout au Canada. Tisser ces liens entre la communauté et nos services contribuera à renforcer notre organisation tout entière.

Nous avons entamé cette discussion au sujet des actions en reconnaissant le territoire occupé par l’École de la GRC. Tout au long de la mise en oeuvre de notre stratégie de réconciliation, nous reconnaissons tant les problèmes affrontés par les personnes qui nous ont précédés que les problèmes que nous affrontons tous ensemble aujourd’hui tandis que nous rebâtissons nos relations pour accomplir notre mission.

Obtenir des résultats

Deux choses sont nécessaires à la réussite de notre mission : la volonté d’être l’agent du changement décrit ci-dessus et l’évaluation régulière de nos objectifs pour rester sur la bonne voie. Lorsque nous collaborons avec les dirigeants et aînés autochtones, nous avons la chance de travailler avec des partenaires qui nous aident à façonner nos propres politiques pour que nous puissions honorer l’histoire et l’importance du territoire que nous occupons aujourd’hui. Par le biais de la Place de réflexion dédiée aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées, de toutes les expositions de notre Centre du patrimoine, de nos bibliothèques et de nos autres collections, nous tenons à raconter de nouveau notre histoire commune, nos problèmes, nos moments de fierté et nos rêves pour l’avenir.

Nous tenons à tirer parti des initiatives de réconciliation déjà en place à la Division Dépôt, dont l’utilisation d’une plume d’aigle par les nouveaux membres pour prêter serment ou faire une affirmation solennelle, l’intégration de la ceinture fléchée métisse à la tunique rouge et l’ouverture de la Salle de spiritualité autochtone. Il y aura beaucoup de travail à faire au cours des quatre prochaines années. Ce travail exige un engagement, non seulement envers notre mission, mais aussi envers les ressources nécessaires pour la réaliser. La Division Dépôt compte embaucher une personne qui supervisera ces plans pour nous guider dans nos décisions, assurer la liaison avec la communauté et nous garder sur la bonne voie. Ces changements sont essentiels et nous ne pourrons réaliser des progrès importants sans ce pilote. Dans le cadre de ce processus, nous établirons des échéances et des mécanismes de reddition de compte pour veiller à appuyer cette personne dans cette mission.

L’apprentissage par le changement n’est pas chose facile, car, comme nous l’avons expliqué, le changement n’est pas chose facile. Cela dit, nous avons beaucoup appris depuis la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Les évènements de l’été 2021 continuent de nous rappeler que les leçons que nous avons tirées jusqu’à présent doivent être honorées et que nous devons continuer d’apprendre ensemble. Pour réaliser cette mission, nous devons avancer avec humilité, réapprendre notre histoire, participer aux activités communautaires, rencontrer les peuples autochtones sur le plan humain et dans des espaces sûrs et nous engager à participer à ce processus. Modifier notre structure ou nos règles en adoptant des politiques publiques n’est pas suffisant : ce sont nos intentions et nos efforts qui nous permettront de faire le reste du chemin.

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